Henri Labarthe raconte:
Notre groupe scolaire en l'année 1934, date à laquelle j'ai foulé pour la première fois la classe des " petits " comme on les appelait en ce temps-là, ne ressemblait en rien à celui qui existe aujourd'hui.
En effet, les premiers aménagements remontent, si mes souvenirs sont exacts, aux environs de l'année 1954, par la construction de deux classes en rez-de-chaussée et de deux appartements pour le logement des enseignants. L'inauguration avait eu lieu en présence de M. Edouard PINATEL, alors Maire d'Urcuit, de Mr le Préfet des Basses-Pyrénées de l'époque : M. RAYMOND, du Conseil Municipal d'Urcuit, des Maires de Lahonce, Mouguerre, de M. LACOMBE Inspecteur Principal de l'Education Nationale, de M. SCIULARA, Inspecteur Primaire et de M. CAVALIER, secrétaire général de la SousPréfecture.
Depuis, d'autres aménagements importants ont été réalisés: cour de récréation, terrain de basket, fron ton de pelote basque, etc. .. sous la Municipalité conduite par M. Henri PLACE, aujourd'hui Maire Honoraire de notre commune.
Il est certain qu'auparavant, tous ces locaux étaient vétustes et beaucoup moins fonctionnels. Le groupe scolaire se composait d'une salle de classe des " petits" ouvrant sur une sorte d'abri exposé à toutes les intempéries, communiquant ave la salle de classe des " moyens " (classe mixte). Plus loin, à l'extrémité de la cour, se trouvait la classe des " grands ", ouvrant également sur un préau non fermé, qui servait de porte -vêtements, avec un vieux banc en bois vermoulu sur lequel s'asseyaient les plus fatigués d'avoir trop joué. La cour de récréation était en terre battue, légèrement gravillonnée, pleine d'ornières, avec de belles flaques d'eau les jours de pluie. Il y avait quelques platanes qui n'étaient pas de grande utilité car, sans se soucier de la pluie ou du beau temps, tous les enfants jouaient dans cette cour: pelote basque, gendarmes et voleurs pour les garçons et marelle pour les filles. Il y avait deux W.C au fond de la cour, un pour les filles, un pour les garçons; des W.C à la turque qui s'évacuaient dans le pré voisin, chez AROSTECUY, ce qui donnait une belle herbe faisant le régal des vaches.
L'école était dirigée par M. et Mme MAICRET, lui Directeur d'école, elle institutrice principale. Les " petits "étaient confiés à Melle LOUSTALET, tout à fait charmante, et dont j'ai gardé un excellent souvenir. J'étais très fier lorsqu'elle passait devant ma maison " TOKI-ONA ", se dirigeant vers Urt, en me faisant toujours un petit signe amical de la main.
Quant à l'enseignement, il était assez strict, deux ans chez les" petits ", deux ans chez les" moyens ", deux ou trois ans chez les " grands ". Quand nous passions chez les" grands ", un personnage de la trempe de M. MAIGRET n'était pas fait pour nous rassurer. Il était imposant, un visage un peu asiatique bien que français, des yeux légèrement bridés, de grosses lèvres ourlées, une voix cassante et autoritaire qui nous donnait la chair de poule. En fait, il nous faisait plutôt peur, et je ne crois pas que beaucoup de personnes de mon âge me con trediront.
C'est sa femme qui nous préparait à l'examen du certificat d'études.
Pour en revenir à M.MAIGRET, tous les matins, il faisait l'inspection des mains, des ongles, et du mouchoir .Celui qui n'en avait pas était puni et devait se moucher impérativement dans du papier journal. Evidemment, la tête était également inspectée..
La journée scolaire commençait par l'instruction civique, leçon de morale, ensuite dictée, rédaction, calcul, chant, lecture.
Pendant les récréations, nous jouions très souvent aux billes. Il y avait plusieurs équipes de quatre ou cinq garnements. On traçait un losange et chacun mettait à l'intérieur, une, deux ou trois billes, selon les conventions. Il fallait ensuite reculer de quelques pas, approcher le plus possible avec une agate, que nous appelions plus communément: BUNDOLE, et ensuite " décaniller" les billes se trouvant à l'intérieur du losange, le plus adroit empochant la totalité du jeu, quelquefois la plus belle part.
Notre maître d'école avait une astuce diabolique : il laissait toutes les équipes se mettre en place, les billes à l'intérieur du losange, attendant que chacun recule pour commencer la parti e, et, à ce moment-là, il donnait un coup de sifflet strident pour indiquer que la récréation étai t terminée. Bien entendu, chacun se précipitait pour ramasser ses billes. " STOP ", disait-il, laissez-moi tout cela en place. IL s'agenouillait, les mettait toutes dans ses poches et nous faisait mettre en rang par deux, pour la reprise des cours.
Il distribuait les billes confisquées aux " petits " pour leur plus grand bonheur et nous nous faisions souvent prendre au piège, malgré nos précautions lorsqu'on sentait que la récréation all ait se terminer.
Je me souviens également d'un mot qu'on employait souvent à l’époque en jouant aux billes. Quand on avait fait un carton, on disait: " Je l'ai couillé ". Il avait exigé que l'on dise à la place: " Pillé" . Malheur à celui qui se trompait car il fallait un certain temps avant de se familiariser avec la nouvelle formule, sans doute plus correcte, mais moins expressive.
Bien entendu à cette époque comme aujourd'hui il y avait des enfants dociles, d'autres. .. moins.
Un jour, une élève qui n'avait pas froid aux yeux, ava it dit un mensonge. Le maître lui ordonne de tirer la langue, car tout le monde sait que c'est sur la langue que l'on peut savoir si la vérité a été dite ou non. L’élève lui répond: tirez d'abord la vôtre M.MAIGRET, ensuite je vous montrerai la mienne!! La stupéfaction générale a été tellement immense que je ne me souviens plus du châtiment, mais plus de cinquante ans après je me souviens encore de l'impertinence incommensurable.
Par ailleurs, il était interdit de dire un seul mot en basque. Le fauteur était puni, et recevait un bâton, surnommé le "BAVARD". Il était aux aguets pour surprendre un autre écolier disant un mot en basque, et lui passait le bâton. Ambiance détestable. Cependant, paradoxe des adultes, le catéchisme était appris en basque et en latin, et les livres religieux étaient imprimés en basque et en latin, jamais en français.
M. MAIGRET était spécialisé dans la préparation des lendits scolaires qui avaient lieu quelques jours avant les vacances d'été. Un entraînement intensif avait lieu quelques mois auparavant. Il y avait des exercices de gymnastique, l'exécution de pyramides, les plus grands constituant le socle, ensuite les plus légers, pour finir par le plus petit, tout en haut, bras largement écartés. Cela se passait au fronton, devant tout le vi liage, et nous étions très fiers de notre performance, et de montrer à nos parents de quoi nous étions capables. Cela se terminait par un goûter, financé par la vente des escargots.
Le maître nous amenait également en promenade visiter les différents quartiers, en particulier celui du port pendant la saison de la pêche au saumon ou à l'alose.
Je me souviens également des jeunes gens d'URCUIT, tout habillés de blanc, qui venaient dans la cour de l’école et dansais la fameuse " danse des bâtons ", sous conduite d'un violoniste de talent, qui répéta it inlassablement le même air. Nous, les enfants, nous déguisions le mieux possible pour ne pas être reconnus. Quelle fête ! C'était pour CARNAVAL.
Mme MAIGRET nous préparait au certificat d'études avec méthode et efficacité, en ce sens qu'elle distribuait des taloches de sa main fine, avec une telle rapidité, que peu de nous réussissaient à y échapper. Il est vrai qu'à l'époque le certificat d'études avait une importance capita le, et plusieurs enfants ont amèrement regretté d'avoir dû quitter l'école peu de temps avant la date d'examen, leur père, agriculteur ayant besoin d'eux à la ferme.
Je me souviens en particulier d'un enfant qui était toujours premier au cahier mensuel et qui échoua au certificat d'études. Il était effondré et nous stupéfaits. Par contre, un autre plus âgé que la moyenne, mais peu doué avait également échoué. Je l'entends encore traversant le village, et chantant: " J'ai échoue au certificat, c'est la loi.
Article paru dans le bulletin Municipal 2003